Homélie de la messe de la Solennité de Sainte Marie-Madeleine du Père Julien PALCOUX

+

Solennité de Sainte Marie-Madeleine

Dimanche 21 Juillet 2013

Eglise de La Madeleine

Frères et sœurs,

Nous anticipons de quelques heures, comme la liturgie nous le permet, la fête de Sainte Marie-Madeleine, patronne de notre belle église, et patronne de la ville de Verneuil ainsi que de ses habitants.

On peut s’étonner qu’une église, aux confins de la Normandie,  soit dédiée à cette sainte de Palestine. Nous sommes plus habitués dans nos contrées à Saint Martin, Saint Ouen, Saint Pierre ou à la Sainte Vierge. Or, il se trouve que la figure de Sainte Marie-Madeleine est une figure très riche tant sur le plan humain que sur le plan spirituel. A bien des égards, Sainte Marie-Madeleine apparaît comme un modèle de foi pour nous-mêmes, ainsi que pour notre paroisse.

Sainte Marie-Madeleine a d’abord été assimilée à la figure de la grande pécheresse qui accueille la miséricorde de Dieu et qui accèpte de convertir sa vie. Sa dévotion, largement répandue en Orient, va se trouver être mise en avant par le Pape Grégoire le Grand. C’est ainsi que la dévotion à la sainte pécheresse pénètre en Occident. Dès le début du XI ème siècle, sa figure est reprise pour être un exemple pour les croisés : accueillir la miséricorde de Dieu dans sa vie de pécheurs. La basilique de Vézelay conserve quelques unes de ses reliques ; et c’est de cette même basilique que Saint Bernard prêchera la seconde croisade pour libérer les lieux saints et permettre aux pèlerins chrétiens d’arriver à bon port sans se faire attaquer, détrousser ou massacrer en cours de route. C’est toujours à Vézelay, quelques années plus tard, que le Roi Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre et duc de Normandie, et par conséquent Seigneur de Verneuil, se retrouveront pour partir ensemble pour la troisième croisade. Outre sa figure éloquente pour la conversion des croisés, Sainte Marie-Madeleine va se trouver être mise en avant dans ce coin de Normandie, alors rattaché à la couronne d’Angleterre, afin de renforcer le peuplement dans cette cité fortifiée de Verneuil, cité aux portes de la France.

A partir du XII èm siècle, la dévotion à Sainte Marie-Madeleine, connaît un essor important dans le diocèse d’Evreux où vécut entre autres Saint Adujtor, patron de Vernon, qui, prisonnier en croisade, fut libéré de ses fers par Saint Bernard de Thiron et Sainte Marie Madeleine.

Quelques siècles après, la figure de Sainte Marie-Madeleine fut reprise dans le mouvement de la contre-réforme catholique. Vous pourrez d’ailleurs, après cette messe, contempler dans la chapelle du Sacré-Cœur, au-dessus du Confessionnal, une copie d’un tableau vernolien montrant Sainte Marie-Madeleine, les yeux rougis de larmes, pleurant sur sa vie dissolue, symbole de la déstruction conséquente au protestantisme. A nouveau, Sainte Marie-Madeleine fait figure de modèle de conversion par la prière et par l’Amour purificateur du Christ. Il exista même sur notre paroisse, au XIX èm siècle, une confrérie de la Sainte-Baume, autre lieu de pèlerinage à Sainte Marie-Madeleine.

Nous honorons donc en ce jour une très grande figure historique pour notre paroisse, chargée d’une riche histoire spirituelle. 

Je souhaiterais maintenant regarder avec vous la figure de Sainte Marie-Madeleine telle que nous la présente la liturgie de ce jour, à la lumière de l’année de la Foi dans laquelle nous sommes.

A plusieurs reprises, nous avons parlé de figure de conversion. L’Evangile de ce jour nous présente en effet une Marie-Madeleine qui passe d’une relation humaine et possessive à Jésus à une relation dans la Foi ; d’une relation de deuil à une relation missionnaire, d’une relation personnelle à une relation ecclésiale. Vous remarquerez qu’il n’y a pas qu’un pan de sa vie qui se trouve converti, mais toutes les dimensions de sa vie ; c’est pourquoi sa figure est aussi riche. Alors, que nous apprend aujourd’hui Sainte Marie-Madeleine ?

Elle nous apprend tout d’abord à purifier notre relation à Dieu. « Cesse de me tenir » lui dira Jésus. Jésus, n’est pas notre bien propre, notre propriété personnelle. Il n’est pas notre objet. C’est une belle chose aujourd’hui il est vrai que d’aimer Jésus, que de lui rester fidèle, quand on voit tous ceux qui l’abandonnent…mais cet Amour ne donne aucun droit pour se croire propriétaire de Jésus ni de son Eglise. Sainte Marie-Madeleine nous apprend à nous décentrer de nos affections, de nos désirs de possession, pour laisser Dieu lui-même nous aimer en premier. Les Juifs avaient d’ailleurs une très belle manière de se rappeler cette grandeur de Dieu et le fait qu’on ne puisse jamais croire le posséder : c’était qu’ils ne nommaient pas Dieu d’où le mot « YAHW » mot imprononçable en hébreu.

Sainte Marie-Madeleine nous apprend à entrer dans une attitude de foi ; elle nous apprend à entrer dans une vie de foi. Elle nous apprend à mettre en œuvre ce que nous avons reçu au jour de notre baptême : le consentement au mystère de la mort de Jésus pour entrer dans le mystère de sa vie nouvelle. Si Marie-Madeleine n’avait pas été conduite à accepter la mort de Jésus, elle serait toujours dans une attitude de deuil, dans une attitude semi-dépressive, tournée sur elle-même et sur son chagrin. L’entrée dans une attitude de foi est pour elle source d’une vie nouvelle, d’une nouvelle dynamique, d’une nouvelle relation aux autres. Elle entre dans une dynamique ecclésiale, devient « l’apôtre des apôtres » puisque c’est elle qui est chargée d’annoncer aux apôtres la Bonne Nouvelle de la résurrection du Seigneur. Elle devient missionnaire, et ce qui était cause de chagrin en elle, devient source de vie.

Frères et sœurs, la foi nous conduit aussi à consentir à la mort et aux morts. Nous vivons dans une société où l’on combat la mort, où l’on masque la mort. Mais ce combat contre la mort, qui est louable, n’est pas toujours cohérent ni harmonisé avec un combat en faveur de la vie ; malheureusement parfois, il est plus orienté dans une recherche égocentrée, dans une dynamique d’affirmation de la puissance de l’homme au mépris de la reconnaissance de la souveraineté de Dieu. La Foi nous apprend que le consentement à la mort est source de vie, de dynamisme et de fécondité.

Parfois même, au sein de nos paroisses, il est difficile de consentir aux différentes morts qui surgissent : mort de ce qui se faisait auparavant, mort à des pans de la mission qui pouvaient être assurés il y a encore quelques années mais qui ne peuvent plus l’être aujourd’hui. Que Sainte Marie-Madeleine, patronne de notre paroisse et de la ville de Verneuil, nous fasse progresser dans la foi, dans le consentement aux différentes morts qui nous touchent ; qu’elle nous aide à découvrir la puissance de vie qui Dieu permet à ceux qui consentent à la mort. Qu’elle aide notre paroisse à devenir toujours plus dynamique et missionnaire abandonnant les combats idéologiques dépassés dans lesquels certains se complaisent ; qu’elle nous aide à accueillir la miséricorde de Dieu dans nos vies et à en témoigner auprès des autres. Amen !