Déclaration du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France
Prochainement
auront lieu les élections au Parlement européen et cela dans un
contexte difficile, tant au plan national qu’européen. Dire que l’Europe
n’a pas bonne presse est une banalité : pour beaucoup de nos
concitoyens elle semble lointaine, technocratique, souvent inefficace.
Et
pourtant, il nous semble important d’inviter les catholiques, et
au-delà l’ensemble des citoyens, à participer aux élections des députés
au parlement européen et à s’exprimer, non d’abord sur des enjeux
nationaux, mais en fonction des projets portés par les différentes
listes qui se présenteront au suffrage des électeurs. Il ne s’agit pas
de s’enfermer dans un schéma manichéen (pour ou contre l’Europe) mais de
dire quelle Europe nous voulons, le modèle économique, social, culturel
et spirituel qui nous semble le plus adapté pour notre continent
aujourd’hui.
Les
pouvoirs du Parlement européen ont été accrus au fil des ans et il est
bon de nous rappeler que beaucoup de décisions européennes influent sur
notre vie quotidienne, par les politiques communes (agricole par
exemple), l’échange des biens et services, la circulation des personnes,
la mise en place depuis vingt ans d’une monnaie commune,
l’harmonisation des réglementations, la politique commerciale
internationale.
L’Europe
est un continent marqué par son histoire, douloureuse et conflictuelle.
Pas moins de trois guerres franco-allemandes en moins d’un siècle, deux
guerres mondiales y ont été déclenchées, les totalitarismes du XXème
siècle y sont nés. L’Église catholique a toujours été attentive à cette
consolidation de la paix dans la construction européenne. Nous en voyons
encore la fragilité, particulièrement après avoir commémoré le
centenaire de la fin de la première guerre mondiale, en nous souvenant
des millions de morts qu’elle a entraînés. Si la paix en Europe semble
aujourd’hui acquise pour les jeunes générations, rappelons-nous que la
guerre est aussi à notre porte, hier dans les Balkans, aujourd’hui en
Ukraine.
Cette
histoire difficile et complexe a aussi permis de progresser en Europe
vers une vision de l’homme et de la société qui comporte un grand nombre
de valeurs et de principes communs entre nos pays (droits humains,
respect de la personne, solidarité et recherche d’un bien commun), dont
beaucoup sont issus du christianisme. « Personne et communauté, comme le
disait le pape François, sont donc les fondements de l’Europe que, en
tant que chrétiens nous voulons et pouvons contribuer à construire. Les
pierres de cet édifice s’appellent : dialogue, inclusion, solidarité,
développement et paix. » (1)
Chacun
voit bien que certaines solutions ne peuvent être trouvées sur une
seule base nationale. Ainsi en est-il de la question des migrants. Le
pape François l’a rappelé aux responsables européens : « On ne peut pas
penser que le processus migratoire soit un processus sans discernement
et sans règles, mais on ne peut pas non plus ériger des murs
d’indifférence ou de peur ». (2)
Un
autre aspect qu’il nous faut souligner dans les enjeux actuels du débat
européen est la question de la place de l’Europe dans le monde et dans
le fonctionnement d’une économie mondialisée. Plus que nous ne le
pensons et l’imaginons, l’Europe est attendue et regardée par d’autres
pays et d’autres ensembles en construction (Amérique du Sud, Asie…).
« En vingt ans le monde a profondément changé et il est clair qu’il
n’est plus centré sur l’Europe. La question est bien de voir si ce que
l’Europe a pu apporter au monde dans sa compréhension de l’homme, de sa
dignité inaliénable, de ses droits fondamentaux, de sa capacité
relationnelle et solidaire, pourra encore être affirmé demain et proposé
comme un idéal sur d’autres continents. » (3) . Devant les mutations
très rapides des équilibres géopolitiques entre les grandes puissances,
si nous plaidons pour des relations internationales mieux organisées et
davantage régulées, tant au point de vue politique qu’économique et
commercial, c’est bien l’Europe, et sans doute elle seule aujourd’hui,
qui peut en être la cheville ouvrière et le fer de lance.
Nous
avons à aider les citoyens européens à discerner la nature des choix à
effectuer pour que l’Europe réponde davantage à leurs attentes mais
aussi à sa mission propre dans l’évolution du monde. Catholiques de
France et d’Europe, prions les saints patrons de notre continent pour
ses habitants et ses élus (4).
Le 25 mars 2019
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France
Mgr Georges PONTIER, Archevêque de Marseille, président de la CEF
Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque de Montpellier, vice-président de la CEF
Mgr Pascal DELANNOY, Évêque de Saint-Denis, vice-président de la CEF
Mgr Michel AUPETIT, Archevêque de Paris
Mgr Jean-Pierre BATUT, Évêque de Blois
Mgr François FONLUPT, Évêque de Rodez
Mgr Stanislas LALANNE, Évêque de Pontoise
Mgr Philippe MOUSSET, Évêque de Périgueux
Mgr Benoît RIVIÈRE, Évêque d’Autun
Mgr Pascal WINTZER, Archevêque de Poitiers