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33èm dimanche Temps Ordinaire
Frères et sœurs,
Voici un Evangile qui nous pose clairement la question de la justice de Dieu. A écouter cette parole, Dieu est profondément injuste. A celui qui a peu reçu, un seul talent, le Seigneur lui enlève même le peu qu’il a reçu pour le donner à celui qui en a 10 ! Où est la justice de Dieu ?
Eh bien, cet Evangile nous montre très clairement en quoi consiste la justice de Dieu. Encore une fois, ne pensons pas la justice de Dieu à partir de notre conception de la justice ! Alors, regardons les choses en détail.
Tout d’abord, la justice de Dieu se révèle dans le fait que tout le monde ne reçoit pas le même nombre de talents : le premier en reçoit 5 ; le deuxième 2 ; le troisième 1 : « à chacun selon ses capacités. » nous dit St Matthieu. Aujourd’hui, on s’offusquerait d’une telle conception. On trouverait injuste que le maître ne donne pas les mêmes choses à chacun. Et pourtant, la justice de Dieu se révèle ici : « à chacun selon ses capacités. » Est-ce Dieu qui est injuste parce que nos capacités sont différentes ? La justice de Dieu consiste d’abord dans le fait que nous sommes tous différents : il y en a qui sont grands, d’autres petits ; il y en a qui sont intellectuels, d’autres manuels, d’autres spirituels. Et c’est ainsi. Cela fait partie du donné de la nature. Vouloir par des lois transformer ce donné naturel est contraire à la nature. Aujourd’hui l’idéologie égalitariste qui règne dans nos sociétés détruit le donné naturel qui est source de diversité et de richesse ! Ce n’est pas ici qu’il faut placer l’égalité ; on agit contre la nature ! mais, il faut placer l’égalité dans le fait que tous les individus ont les mêmes droits. Mais l’égalité ne doit pas être vue en négation du donné naturel ! Donc, la justice de Dieu s’exprime dans le fait que nous n’avons pas les mêmes capacités !
La même logique, la même justice divine prévaudra dans l’au-delà, dans la vie éternelle ! Tous les hommes sont appelés à participer à la vie éternelle, à vivre de la vie divine avec Dieu et en Dieu, mais tous ne seront pas à la « même place ! » Il y aura ceux qui se seront préparés et qui, durant leur pèlerinage terrestre, auront ouvert en grand leur cœur à Dieu si bien que Dieu pourra combler grandement ces personnes. Et il y aura ceux qui auront été fainéants, paresseux, qui auront moins ouvert leur cœur à Dieu. Eh bien, Dieu les comblera à la mesure de leur ouverture de cœur ; mais cette ouverture sera moins grande que les premiers. Dieu comble tout le monde ; mais nos capacités de réception sont différentes !
Alors, la justice de Dieu se manifeste surtout dans l’usage que nous faisons de ce que nous avons reçu de Dieu. La question n’est pas de savoir si nous avons reçu 5 talents, 2 ou 1 ; la question est de savoir ce que nous avons fait de ce que nous avons reçu. C’est là que se révèle la justice de Dieu…A celui qui a beaucoup reçu, on demandera beaucoup ; à celui qui a peu reçu, on demandera moins. Voilà la justice de Dieu. Du reste, vous remarquerez que le maître dira la même chose à celui qui aura reçu 5 talents qu’à celui qui en a reçu 2 : « Très bien serviteur bon et fidèle. Tu as été fidèle pour peu de choses ; je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. »
Cette parole de Jésus nous invite à discerner en nous ce que nous avons reçu comme talents. Quels dons le Seigneur nous a-t-il faits ? Une fois cette question posée, alors il faut nous demander dans un deuxième temps quelle fécondité nous avons offert aux dons que Dieu nous a faits. Comment avons-nous fait fructifier ces talents ? Comment les avons-nous mis au service des autres, de l’Eglise et de l’Evangile ? Il y a ici, frères et sœurs, un critère nous permettant d’évaluer l’authenticité des talents reçus, qui nous viennent réellement de Dieu…c’est précisément dans l’offre généreuse que nous faisons de ces talents. Une personne qui est généreuse dans l’offrande de ces talents et qui leur permet une véritable fécondité est une personne qui a vraiment reçu des talents de Dieu.
Cette justice de Dieu serait incomplète sans l’épisode de celui n’a reçu qu’un talent. Celui qui n’en a reçu qu’un va enterrer son talent ; il ne le fait pas fructifier. Je vais revenir sur les causes de cette attitude. Mais pour rester sur la question de la justice de Dieu, il faut remarquer que le maître va lui enlever le seul qu’il a reçu pour le donner à celui qui en a déjà 10 ! Que veut dire ce geste ? Eh bien, cette attitude du maître nous révèle que la logique profonde de la justice de Dieu est une logique d’amour. Celui qui a des talents est celui qui aime. Plus on a de talents, plus on aime. Moins on en a , moins on aime. Et on sait bien que l’Amour comme don appelle l’amour en réponse. Plus vous aimez une personne, plus vous sollicitez de l’amour en réponse. Donc, celui qui a 5 talents en reçoit 5 autres, c’est logique ! mais celui qui n’a pas d’amour, celui qui n’aime pas va perdre même le peu qu’il avait. C’est logique. S’il n’y a pas d’amour donné, il ne peut y avoir d’amour à recevoir !
La justice de Dieu repose profondément sur la question de l’amour. Alors, pour être complet, il nous faut non seulement nous demander quels talents nous avons reçus, mais aussi quel amour nous donnons. Là aussi se joue ce qui fera notre vie dans la vie éternelle.
Dernier point à regarder, l’attitude de celui qui n’a reçu qu’un seul talent. Avez-vous remarqué la dureté et la fausseté de ce qu’il dit sur le maître ? « Seigneur, je savais que tu es un homme dur ; tu moissonnes là où tu n’as pas semé ; tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé enterrer ton talent dans la terre. Tiens, tu as ce qui t’appartient. » En fait, ce serviteur a une image complètement faussée de son maître, de Dieu. Il le voit comme un homme injuste, mauvais, méchant. Et, de ce fait, à aucun moment, il n’est entré dans le don de Dieu. « Je suis allé enfouir ton talent dans la terre ; tu as ce qui t’appartient. » Il a refusé le don de Dieu. Il ne l’a pas accueilli. Il s’auto-exclut !
Eh bien voyez-vous, frères et sœurs, cette attitude est plus répandue qu’on ne le pense ! Beaucoup aujourd’hui s’enferment dans une image faussée de Dieu ; dans une image dure. Alors, certes, parfois, il est vrai que tel ou tel a vécu des choses difficiles qui peuvent abîmer l’image que l’on se fait de Dieu : cela peut être à l’occasion d’un deuil, d’une mauvaise expérience avec un prêtre, une religieuse, un chrétien ou une chrétienne engagée. Mais, il faut faire attention dans ces cas-là à ne pas se laisser enfermer dans une auto-exclusion où en fait, on prend prétexte de ce qui nous est arrivé pour nous tenir éloigné de Dieu. Il peut y avoir des blessures ; mais soyons honnêtes et ne laissons pas le démon habiter ces blessures pour nous écarter de Dieu.
Comment pouvons-nous nous prémunir de ce danger ? Eh bien, en demeurant fidèle à l’Eglise. Demeurer fidèle à l’Eglise, maintenir la pratique de la messe nous conduira obligatoirement à rencontrer d’autres chrétiens qui nous révèleront un autre aspect du visage du Christ. Mais, si nous abandonnons la pratique, si nous quittons l’Eglise, voire pire, si nous nous enfermons dans une attitude de critique, alors nous construisons notre malheur car nous nous replions sur nous-mêmes, sur notre malheur, et nous nous empêchons de guérir ! Seule la pratique régulière nous préserve de ce danger. Seule la pratique régulière nous préserve du danger de nous façonner un Dieu à notre image ; de nous façonner une Eglise à notre une image. Tous ceux qui se façonnent un Dieu à leur image, une Eglise selon leurs désirs construisent leur malheur. Victimes de leur idéologie, ils sont comment ceux qui enfouissent leur seul talent !
Frères et sœurs, réinterrogeons-nous aujourd’hui sur l’utilisation que nous faisons, sur l’offrande que nous faisons de ce que Dieu nous a donné. C’est là-dessus que nous serons jugés, comme sur l’Amour que nous offrons. Et si, l’image que nous nous faisons de Dieu ou de l’Eglise a été abîmée ou blessée, alors permettons sa guérison en reprenant le chemin de la fidélité à l’Eglise.
Amen !
