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Au Sénat, socialistes, communistes, centristes et LR s’attaquent à «Notre-Dame de l’Élysée»

Le Sénat a adopté dans la nuit de lundi à mardi un projet de loi très remanié. POOL/REUTERS

VIDÉO - Après avoir longuement critiqué la «loi d’exception» défendue par l’exécutif pour encadrer la reconstruction de la cathédrale de Paris et la précipitation d’Emmanuel Macron, le Sénat a adopté dans la nuit de lundi à mardi un texte remanié par ses soins.

Bien sûr, comme toujours au Sénat, le ton était poli. Mais la bataille entre les sénateurs de l’opposition et le ministre de la Culture Franck Riester a été longue et s’est poursuivie tard dans la nuit. La Haute assemblée, où l’exécutif et En Marche sont obligés de composer avec la majorité de droite et les forces de gauche, a entamé lundi l'examen en première lecture du texte encadrant la restauration de la cathédrale Notre-Dame. La quasi-totalité des groupes ont mis en garde le gouvernement contre «une loi d'exception» et un chantier qui serait mené tambour battant.

Le texte déjà adopté par l'Assemblée nationale entérine l'ouverture d'une souscription nationale pour gérer les dons de particuliers, d'entreprises ou de collectivités qui ont immédiatement afflué après l'incendie qui a détruit le 15 avril la charpente et la flèche de ce monument emblématique. Il prévoit une majoration de la réduction d'impôt applicable aux dons des particuliers (portée à 75% dans la limite de 1000 euros). Contre l'avis du gouvernement, le Sénat a prévu qu'elle s'applique dès le 15 avril, pour ne pas pénaliser les premiers contributeurs, alors que le texte initial fixait la période du 16 avril au 31 décembre.

La partie du projet de loi la plus controversée porte sur la création par ordonnances d'un établissement public destiné à assurer la conduite des études et travaux. Tout aussi controversé, l'article habilitant le gouvernement à déroger à certaines règles (urbanisme, environnement, construction, préservation du patrimoine, commande publique) a été supprimé par les sénateurs dès l'examen en commission, avec l'assentiment de quasiment tous les groupes. «Oui, nous restaurerons Notre-Dame de Paris. Le président a fixé un objectif, 5 ans, c'est un délai ambitieux, volontariste (...). Dans cette tâche qui nous attend, nous ne confondrons jamais pour autant vitesse et précipitation», a déclaré le ministre de la Culture Franck Riester.

« Il s'agit d'une loi pour reconstruire Notre-Dame de Paris, pas Notre-Dame de l'Élysée »

David Assouline, sénateur PS

Le chef de l'État a réaffirmé vendredi ce calendrier qui irrite les sénateurs à peu près sur tous les bancs. «Il s'agit d'une loi pour reconstruire Notre-Dame de Paris, pas Notre-Dame de l'Élysée», a attaqué le sénateur socialiste de Paris David Assouline. «J’ai été particulièrement choqué que l’Unesco n’a même pas été approché depuis le début», a-t-il ajouté. Le rapporteur LR Alain Schmitz a jugé «absurde de se laisser enfermer dans le délai de 5 ans si celui-ci doit conduire à rogner sur la qualité du chantier». «Que vous vouliez aller vite, pourquoi pas? À condition que cela reste un objectif et non pas un impératif, a affirmé la présidente centriste de la commission de la Culture Catherine Morin-Desailly. Le chantier durera ce qu'il doit durer». «À la patience, vous substituez l'urgence (...), à la persévérance vous substituez la performance», a accusé le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, tandis que le communiste Pierre Ouzoulias, conservateur du patrimoine au civil, évoquait «une dépossession» des autorités compétentes «au profit d'un dispositif contrôlé depuis le plus haut sommet de l'État».

» VOIR AUSSI - Notre-Dame: Êtes-vous pour ou contre la loi d’exception?

Les sénateurs ont inscrit dans le texte une référence aux engagements internationaux de la France en matière de patrimoine, qui imposent de «préserver l'authenticité et l'intégrité» du monument lors de sa restauration. Elle devra être fidèle au «dernier état visuel connu» du monument avant le sinistre, y compris la flèche, ont acté les sénateurs, contre l'avis du gouvernement, précisant même que l'emploi de matériaux différents de ceux d'origine devra être justifié. Ce point a rencontré l'opposition du PS, pour qui il «interdirait tout geste architectural ultérieur». Il a relancé le débat qui avait suivi l'annonce d'un concours d'architecture international pour restaurer la flèche.

« L’État ne peut pas se permettre de s’affranchir des règles en vigueur sans prendre le risque de les remettre en cause »

Alain Schmitz, rapporteur du projet de loi et sénateur LR des Yvelines

Tard dans la soirée, Franck Riester a demandé le rétablissement de l’article 9, supprimé en commission. Il s’agit de savoir si l’exécutif pourra se soustraire aux réglementations applicables à ce type de chantier: les normes encadrant la construction, celles pour la délivrance des autorisations de travaux, l’élaboration des documents de planification, l’urbanisme, la préservation du patrimoine, l’archéologie préventive, la voirie, les transports, celles définissant la commande publique et protégeant le domaine public. Et, enfin, les règles concernant l’évaluation environnementale et la protection de l’environnement.

« Je forme le vœu qu’aucun nom d’architecte ne vienne griffer Notre-Dame de Paris, parce que nous sommes dépositaire de ce monument et que nous devons le transmettre aux autres générations »

Angèle Préville, sénatrice PS du Lot

Hors de question pour une large majorité des sénateurs, le rapporteur Alain Schmitz en tête. «De telles dérogations ne manqueront pas de faire peser des doutes sur l’exemplarité du chantier de Notre-Dame», a-t-il justifié en ajoutant que les libertés souhaitées par le gouvernement constituent «un vrai danger pour la crédibilité de notre législation». «L’État ne peut pas se permettre de s’affranchir des règles en vigueur sans prendre le risque de les remettre en cause», a-t-il également mis en garde. «Vous ne savez pas encore où vous allez aller. On ne sait qu’une chose, c’est qu’il y a une injonction: c’est cinq ans. Et pour le reste, on ne sait pas», a également reproché David Assouline. «Dieu merci, ou plutôt Marianne merci, la parole présidentielle ne fait pas loi», a lancé le sénateur LR Olivier Paccaud en dénonçant «la mise en scène» de l’Élysée. «La culture n’est pas un productivisme, la culture n’est pas un stakhanovisme. Une reconstruction, ce n’est pas une course de vitesse!», a-t-il expliqué. «Votre texte est un peu baroque pour une cathédrale gothique», a plaisanté son collègue Jérôme Bacher. La sénatrice PS Angèle Préville, elle, a un souhait: «je forme le vœu qu’aucun nom d’architecte, connu ou pas, ne vienne griffer Notre-Dame de Paris, parce que nous sommes dépositaire de ce monument et que nous devons le transmettre aux autres générations».

A 1h16, le Sénat a refusé le rétablissement de l’article et, quelques minutes plus tard, a adopté la nouvelle mouture du texte. «Cette loi est exceptionnelle, mais elle n’est plus d’exception depuis qu’elle a été réécrite par le Sénat», s’est félicité David Assouline.

Au Sénat, socialistes, communistes, centristes et LR s’attaquent à «Notre-Dame de l’Élysée»

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250 commentaires
  • grosskoler.

    le

    "la création par ordonnances d'un établissement public destiné à assurer la conduite des études et travaux"
    Nouveau "comité", au moment où le premier ministre prétend vouloir les réduire!

  • LamecheC

    le

    Il faut vraiment supprimer cette assemblée abscon..

  • demainpeut-être

    le

    les adeptes de Macron sont de sorties,que de commentaires contre les sénateurs qui pour une fois montrent leur utilité pour la préservation de notre patrimoine . Macron se comportent comme un dictateur et arrangeant les lois à sa convenance , il doit être freiné

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