Archevêque de Marseille, Mgr Georges Pontier, Président de la Conférence des évêques de France, a prononcé le discours d’ouverture de l’Assemblée plénière à Lourdes. (vidéo)
Poursuivant notre marche de Carême, nous sommes entrés ce dimanche dans la quinzaine de la Passion. Avec l’Eglise entière, notre prière, nos regards, se portent sur le Christ, vivant les derniers jours de sa vie terrestre : jours d’amitié et de dialogue intime avec ses disciples, jours exposés pendant lesquels « les pensées secrètes des cœurs vont être révélées » : la versatilité d’une foule malléable à souhait, la hargne sans scrupule de la plupart des responsables accrochés à leur pouvoir, la peur et la lâcheté de ses disciples renforcées par leur incompréhension du mystère pascal, la fidélité de Marie, des saintes femmes et de Jean, le disciple bien-aimé. Et Jésus avance, uni sans faille à son Père et consentant au projet de salut des hommes par l’enfouissement d’une puissance d’amour, de vie et de pardon qui va triompher de toute peur, de toute haine, de tout désespoir, et même de la mort. Quelle beauté divine cachée sous le visage du Fils bien-aimé fait homme, qui avance libre et vainqueur sous les traits du Juste persécuté et abandonné !
Et dans douze jours, nous chanterons alléluia, donnant foi et confiance à ce Dieu dont l’amour infini pour les hommes ouvre un sens inespéré à nos vies humaines et à celle de l’humanité entière : le chemin du bonheur traverse épreuves, échecs, rejets, menaces, persécutions, chutes, déshumanisation. Le crucifié ressuscité est le premier-né d’une multitude de frères, le prophète de la fraternité humaine qui se construit par une vie donnée, une victoire en soi-même contre les puissances de mal et de mort. Quel profond mystère, chers frères ! C’est bien celui que nous contemplons, dont nous mesurons toute la richesse, dont nous essayons de vivre, que nous voulons annoncer à tous. Comme le Christ nous venons de Dieu et nous allons vers Lui ! Nous nous réjouissons de voir à l’œuvre aujourd’hui la puissance du Ressuscité dans le cœur de ceux et celles qui découvrent son amour, sa patience, sa persévérance, son pardon ! Avec plus de 3600 catéchumènes, dans la nuit de Pâques, nous proclamerons : « Christ est ressuscité ! Il te baptise ! Il répand sur toi son Esprit Saint, Il se donne à toi comme nourriture d’amitié et d’espérance pour ta marche ici-bas. Il est le Chemin, la Vérité et la Vie. Vivez en enfants de lumière ». Quelle joie d’être témoin de l’œuvre de l’Esprit qui vient constituer en frères et sœurs, des hommes et des femmes dont la vie ne laissait pas percevoir qu’il en serait ainsi tant sont divers leurs âges, leurs origines sociales et culturelles, leurs chemins parcourus ! Quel beau message de fraternité humaine universelle ! Cette joie ne nous fait pas oublier le nombre trop grand d’hommes et de femmes qui partout dans le monde ont une vie trop dure, trop injuste, trop inhumaine : victimes d’inégalités profondes dans toutes les sociétés, victimes de guerres de toutes sortes, victimes de trahison, de calomnies, de rejets, de violences indicibles. Que de souffrances ! Que d’hommes et de femmes et même d’enfants qui connaissent des conditions de vie indignes. Comment ne pas avoir une pensée pour nos frères chrétiens qui célèbreront ces jours de la Passion dans la conscience de vivre eux aussi un chemin de croix qui n’en finit pas : chrétiens de Syrie, des pays du Moyen-Orient, de Centrafrique, du Mali, d’Irak et de bien d’autres endroits du monde. Comment ne pas penser à ce que vivent les Ukrainiens ? La présence parmi nous de Monseigneur Borys Gudziak nous rend proche ce que vit le peuple d’Ukraine. Nous l’avons assuré et nous l’assurons encore de notre prière fraternelle, ainsi que d’ailleurs Monseigneur Jean Teyrouz, Evêque de l’éparchie de Sainte Croix de Paris des Arméniens catholiques de France et Monseigneur Maroun Gemayel, évêque de l’Eparchie maronite de France. Ils témoignent au milieu de nous de la souffrance des populations arméniennes, libanaises, syriennes et de toutes celles touchées par ce trop long conflit en Syrie. Combien de temps encore auront-ils le sentiment que le reste du monde demeure indifférent à leur sort ? Combien de temps encore ces peuples vont-ils douter de la réelle solidarité et fraternité humaine ? Oui, la mondialisation de l’indifférence alourdit leurs épreuves. Le sentiment de l’impuissance de la communauté internationale met à jour les égoïsmes d’une humanité qui oublie les exigences de la justice, du droit et de la solidarité.
Nous comprenons la forte insistance que le Pape François a donnée à la dimension sociale de l’évangélisation dans l’Exhortation apostolique « La joie de l’Evangile », qui fait suite au synode sur « La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi ». Il a pu ainsi écrire dans le chapitre intitulé « La dimension sociale de l’évangélisation » au numéro 183 : « Nous aimons cette magnifique planète où Dieu nous a placés, et nous aimons l’humanité qui l’habite, avec tous ses drames et ses lassitudes, avec ses aspirations et ses espérances, avec ses valeurs et ses fragilités. La terre est notre maison commune et nous sommes tous frères. Bien que « l’ordre juste de la société et de l’État soit un devoir essentiel du politique », l’Église « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice. » (Benoît XVI, Deus Caritas est, n° 28).
Une société en quête de confiance
La canonisation des Papes Jean XXIII et Jean-Paul II : Lire les signes des temps
Appelés à discerner
Que veut nous dire l’Esprit à travers ces évolutions, ces questionnements, ces souffrances, ces enthousiasmes ? Que veut-il que nous disions au nom du bien de l’homme et de tout l’homme ? Quelle est la juste manière de vivre en chrétien dans cette société ? Les moyens de communications modernes, le développement des réseaux sociaux avec un emploi parfois marqué par la violence, l’irresponsabilité et la fermeture à tout dialogue, tout cela modifie profondément les comportements individuels et collectifs. Le rapport de force dans une époque où le législatif n’est plus inspiré par les valeurs qui ont fait notre société peut être ce qui est recherché au détriment de tout effort de réflexion, de confrontation, de conversion même. Nous-mêmes, évêques, nous sommes souvent sollicités ou même requis pour donner caution à des initiatives de tous ordres. Le risque d’être instrumentalisé ou d’instrumentaliser mérite discernement et échange. Notre ministère trouve son inspiration dans la Parole de Dieu, la réflexion de l’Eglise, la communion épiscopale, l’écoute spirituelle de ce que construit et inspire l’Esprit. Il y a vingt ans, nous avons su engager une vaste réflexion sur « la proposition de la foi dans la société actuelle ». Le contexte dans lequel nous vivons a bougé. La crise financière, économique, sociale et politique a fait son œuvre. Le pluralisme s’est installé dans notre pays de façon durable. Les évolutions sociétales déstabilisent et divisent. Les progrès des connaissances sur l’homme, si elles ouvrent la perspective de progrès thérapeutiques ne ferment pas la porte à des usages inhumains, irrespectueux de la dignité de l’homme. Beaucoup viennent vers l’Eglise, conduits par l’Esprit de Dieu, pour vivre une expérience spirituelle et trouver une lumière pour avancer dans l’espérance et la fraternité. Ils attendent beaucoup de nous.
Nous leur redisons cet amour de Dieu pour chacun et nous annonçons l’appel du Christ à construire un monde juste et fraternel. Notre foi est porteuse d’une espérance dont le monde a besoin. Comment poursuivre ou renouveler notre discernement pastoral, notre engagement pour l’homme, pour tous les hommes à la lumière de l’Evangile, du Christ ? Le temps n’est-il pas venu de l’entreprendre ensemble ?
Voilà bien des questions dont il faut nous parler pour enrichir notre regard, nous soumettre à la Parole de Dieu et tenir notre place dans la conduite du peuple de Dieu. « Ne nous laissons pas voler l’espérance ! », écrit le Pape François au n° 86 de son Exhortation apostolique « La Joie de l’Evangile », et il ajoute : « L’idéal chrétien invitera toujours à dépasser le soupçon, le manque de confiance permanent, la peur d’être envahi, les comportements défensifs que le monde actuel nous impose… L’Évangile nous invite toujours à courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps. La foi authentique dans le Fils de Dieu fait chair est inséparable du don de soi, de l’appartenance à la communauté, du service, de la réconciliationavec la chair des autres. Dans son incarnation, le Fils de Dieu nous a invités à la révolution de la tendresse. » (n° 88)
La puissance de la faiblesse
Le Pèlerinage du Pape François en Terre Sainte
Marie, étoile de l’évangélisation
Puisse-t-elle accompagner nos travaux de ces jours en ce lieu où elle a regardé la petite Bernadette comme on regarde une personne.