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4ème Dimanche de Pâques
Frères et sœurs,
Dans le développement du Temps Pascal, la liturgie de ce 4ème Dimanche de Pâques nous rappelle que c’est le Seigneur Ressuscité qui guide son Eglise, c’est Lui qui en est le « Bon Pasteur », le « Vrai Berger ».
Je voudrais partir de cette parole de Jésus : « Je suis le Bon Pasteur » pour resituer les différents pasteurs de l’Eglise par rapport à l’Unique Pasteur qu’est Jésus Ressuscité ; et puis regarder avec vous deux caractéristiques importantes du Pasteur, deux caractéristiques qui font que Jésus est le « Vrai » Berger.
Lorsque Jésus dit : « Je suis le Bon Pasteur, le Vrai berger », Il dit tout d’abord qu’Il est Le Pasteur. Par conséquent tous les autres pasteurs, ses Apôtres, mais pour nous, le Pape, les évêques, les prêtres ne sont pasteurs que de manière participée à l’Unique Pasteur qu’est Jésus. Cela veut dire qu’aucun pasteur quel qu’il soit (Pape, évêque, prêtre) ne peut prétendre être à lui tout seul pasteur. Il ne l’est qu’en dépendance de l’Unique Pasteur qui est le Christ. Ceci est important à comprendre pour avoir une ecclésiologie juste, une juste vision de l’Eglise.
Je vais prendre 2 exemples. Tout d’abord les Papes. Nos 3 derniers Papes sont très différents, ce qui est sain et normal. Aucun d’eux n’est complètement à lui tout seul le Bon Pasteur. Ils le représentent, mais de manière particulière, propre à leur tempérament, à leur charisme. St Jean-Paul II révélait davantage la figure du Christ parcourant la Galilée, allant visiter les uns, les autres, traversant les villages et les régions. Benoît XVI révélait davantage le visage du Christ docteur enseignant les foules. Le Pape François, davantage le Christ rejoignant les plus pauvres. C’est dans leur diversité, ensemble, qu’ils représentent de manière plus complète le Bon Pasteur.
Deuxième exemple : ceux qui sont vos pasteurs : vos prêtres. Les prêtres qui reçoivent la charge pastorale en vertu de leur ordination sont différents, avec des qualités, des dons différents, des défauts, des limites. Mais aucun d’eux ne représente à lui tout seul le Bon Pasteur. Si je me base maintenant sur une paroisse ou sur l’Eglise en général, c’est le Christ, Unique Pasteur, qui conduit son peuple à travers la diversité de ses pasteurs. Il y a ici une intelligence de l’Eglise à avoir. Trop souvent le risque existe d’une confusion entre le Bon Pasteur (Jésus) et vos pasteurs (les prêtres). Cette confusion marche dans les deux sens : de temps en temps, on réduit la réalité du Bon Pasteur qu’est Jésus aux prêtres ; alors ou les prêtres sont vus comme des surhommes, ils sont sur-considérés ou alors on attend trop d’eux (ce qui est pour une part une attente légitime). Dans un autre sens, on peut aussi se braquer contre tel ou tel prêtre pour telle ou telle raison, et de ce fait, on se coupe aussi du Vrai Pasteur qui, Lui, agit au travers de ses pasteurs. Ces deux dérives révèlent un manque de regard de foi sur l’Eglise et sur le Christ. Elles reposent sur une ecclésiologie pervertie et, fondamentalement, sur une attitude d’orgueil qui conduit à réduire l’Eglise dans son ensemble à une vision personnelle; on retrouve en quelque sorte l’origine du péché de l’idolâtrie qui consiste à se constituer un Dieu à son image, selon sa convenance. Cette fermeture aux pasteurs que Dieu envoie à son Eglise peut en fait être de l’ordre du péché. Cette attitude est plus répandue qu’on ne le pense. Déjà la première lecture l’évoquait. Paul et Barnabé reprochait aux Juifs de ne pas avoir accueilli le Messie, alors que les Juifs attendaient le Messie. Cette attitude est pernicieuse, car on peut l’adopter avec les meilleures intentions. Les Juifs ayant refusé de croire en Jésus l’ont refusé avec les meilleures intentions, persuadés d’être dans le vrai et la vérité.
C’est là que j’en viens à la première caractéristique du « Bon » Pasteur, qui n’est pas directement évoquée dans les quelques versets d’Evangile entendus aujourd’hui, mais qui est sous-jacente : c’est que le « Bon Pasteur » protège son troupeau des attaques du loup. Or, on pense souvent que le loup est extérieur au troupeau. Mais bien souvent, le loup est à l’intérieur du troupeau. Et bien souvent il est une brebis blessée, qui, habitée par une attitude d’orgueil, va se transformer en loup et chercher à entrainer à sa suite dans une attitude de défiance, dans une attitude critique, le reste du troupeau. Les pires attaques de l’Eglise viennent du dedans de l’Eglise et non du dehors. Le « Bon Pasteur » est donc celui qui veille à ce que le loup ne s’introduise pas au sein du troupeau pour le dévorer…et on peut très rapidement passer de brebis à loup avec les meilleures intentions, persuadés d’être dans le vrai et la vérité. A nouveau, la première lecture évoque cette réalité chez les premiers croyants : « Mais les Juifs entraînèrent les dames influentes converties au judaïsme, ainsi que les notables de la ville. »
La deuxième caractéristique du « Bon Pasteur, Vrai Berger » réside dans le lien qui unit le pasteur à ses brebis. Jésus dit : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi je les connais, et elles me suivent. » Pour comprendre ce que Jésus dit du lien qui unit le pasteur à ses brebis, il faut se souvenir que dans le vocabulaire biblique « connaître » veut dire « aimer ». En Dieu, connaissance et amour sont la même réalité. Ce que je dis du lien entre le pasteur et ses brebis, je pourrais le dire du lien qui unit les époux dans le sacrement du mariage : c’est la même réalité. Normalement, à travers les aléas de la vie, les époux grandissent et dans la connaissance de l’autre et dans l’amour de l’autre. Mais, là, nous pouvons percevoir la perfection de l’Amour de Dieu. Car nous-mêmes nous pouvons connaître assez bien, parfois de manière très juste, telle ou telle personne ou tel ou tel aspect d’une personne. Mais cette connaissance que nous pouvons acquérir n’est pas toujours assortie de l’amour de la personne en question. Chez nous, la connaissance n’est pas toujours liée à l’Amour. Or en Dieu, tout est tellement parfait, que la connaissance implique nécessairement l’Amour. Et les pasteurs que nous sommes participent, en vertu de leur ordination sacerdotale, à cette perfection de la connaissance et de l’Amour qui est en Dieu. C’est d’ailleurs ce lien qui unit le pasteur à ses brebis qui explique et donne toute sa fécondité au célibat sacerdotal. Si vous enlevez le lien au troupeau, le célibat sacerdotal n’a aucun sens. Il donne toute sa fécondité grâce au lien sacramentel qui unit le prêtre au « Bon Pasteur », et grâce au lien qui unit le pasteur à son troupeau : lien de connaissance, d’amour et don.
Pour terminer cette médiation sur le « Bon Pasteur », je vous invite frères et sœurs, à estimer et à défendre le célibat sacerdotal sali aujourd’hui et par certains pasteurs eux-mêmes et par l’expression médiatique, quand elle ne l’est pas par le monde politique. Là où le célibat sacerdotal est estimé, les vocations sacerdotales fleurissent. Portons dans notre prière les séminaristes issus de notre paroisse ou passés par notre paroisse : Patrick, Jordan, Jimmy, Laurent-Emmanuel. Et puis, prions pour que d’autres jeunes hommes répondent à l’appel du Seigneur qui n’abandonne pas son troupeau mais lui envoie les pasteurs qu’Il veut pour son Eglise. Sachez pour terminer que depuis quelques années le nombre d’entrée au séminaire et le nombre d’ordinations sacerdotales ont cessé de diminuer et sont même en légère augmentation. Puissent nos communautés et nos paroisses coopérer à cette œuvre de Dieu. Amen !