Un chant céleste d’espérance a résonné sur toute la plaine romaine de Tor Vergata, dimanche 3 août, pour la messe de clôture du Jubilé des jeunes. Plus d’un million d’entre eux était présent selon la préfecture de la Cité éternelle. Dans une homélie trilingue entre l’italien, l’espagnol et l’anglais, convoquant saint Augustin et ses prédécesseurs, le Pape Léon XIV a demandé aux jeunes de 2025 d’aspirer à de grandes choses et à la sainteté, «sans jamais se contenter de moins».
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Il est des foules inoubliables, gravées dans le siècle. Face au Pape élu par ses pairs il y a seulement trois mois, plus d’un million de jeunes s’est déployé sur l’immense prairie allongée jusqu’aux Castelli romani. Comme ses deux derniers prédécesseurs, Léon XIV rencontre la jeunesse catholique du monde entier dans les tout premiers mois de son pontificat. L’occasion de réitérer aux générations de demain la force du message du Christ à contre-courant «des marécages de l’absurdité, de l’ennui et de la médiocrité», a affirmé Léon XIV.
Après la grande veillée d’adoration samedi soir, le Pape de 69 ans vêtu de l’habit liturgique en vert et or a fait entrer une marée humaine de plus d’un million de jeunes fidèles dans une célébration eucharistique en plein air, dominée par une douce ferveur animée par le chœur du diocèse de Rome, dirigé par Mgr Marco Frisina. Les notes de l’hymne du Jubilé “Pèlerins d’espérance” entonné en trois langues ont virevolté dans la brise du petit matin à Tor Vergata. Après une trentaine de minutes de traversée en papamobile entre les travées de jeunes, plus éveillés que jamais, c’est en présence d’une vingtaine de cardinaux, 450 évêques et 7 000 prêtres, que Léon XIV a présidé la messe sur l’estrade en bois du site de Tor Vergata, assemblée de la même manière qu’il y a 25 ans pour les JMJ du Jubilé de l’An 2000. Aux côtés du Pape, le regard protecteur de la Salus Populi Romani, immuable icône, enveloppant les jeunes étalés à l’horizon.
Un diptyque terrestre et céleste
La liturgie de la parole s’est déroulée en un double mouvement, vers l’infiniment petit qu’est la condition humaine terrestre grâce à la première lecture tirée de l’Ecclésiaste: «Vanité des vanités disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité! (…) Que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil?» Avant d’être orientée vers l’infiniment grand, à la deuxième lecture, en espagnol, celle de l’apôtre des nations, saint Paul, invitant les Colossiens, à rechercher les réalités d’en haut.Proclamé en italien, l’Évangile selon saint Luc est venu couronner la réflexion mettant en garde contre les accumulations stériles ici-bas.
«La fragilité fait partie de la merveille que nous sommes»
À la lumière de ces textes du jour très parlants aux jeunes, le Pape a médité dans son homélie sur la façon dont la rencontre avec le Ressuscité change l’existence, par l’expérience de la finitude des choses qui passent et des limites. Poétiquement et avec humilité, derrière l’autel serti de roses claires, le Pape augustin a employé l’image champêtre «d’une herbe changeante», fleurie au matin, fanée au soir.
«Ce sont deux rappels forts, peut-être un peu choquants, mais qui ne doivent pas nous effrayer, comme s’il s’agissait de sujets “tabous” à éviter», a garanti Léon XIV, assurant que «la fragilité fait en effet partie de la merveille que nous sommes». Le Souverain pontife de poursuivre la métaphore arcadienne comparant notre condition humaine au symbole de l’herbe: «N’est-ce pas magnifique, un pré en fleurs? Certes, elles sont délicates, faites de tiges fines, vulnérables, susceptibles de se dessécher, de se plier, de se briser, mais en même temps, elles sont immédiatement remplacées par d’autres qui poussent après elles, et dont les premières deviennent généreusement nutriments et servent d’engrais, en se consumant sur le sol». Au rythme des saisons, le champ se renouvelle continuellement, et même pendant les mois froids d’hiver, quand tout semble silencieux, a précisé Léon XIV, «son énergie frémit sous terre et se prépare à exploser, au printemps, en mille couleurs».
Constamment se regénérer dans le don et dans l’amour
Nous sommes de cette étoffe, nous sommes ainsi faits, relève l’évêque de Rome. «Non pour une vie où tout est acquis et immobile, mais pour une existence qui se régénère constamment dans le don, dans l’amour». Pour ce faire, le Pape rappelle aux jeunes que ce «plus» auxquels nous aspirons continuellement ne peut nous être donné par «aucune réalité créée». «Nous ressentons une soif si grande et si brûlante qu’aucune boisson de ce monde ne peut l’étancher», a-t-il abondé, prévenant sans détour contre les mirages. «Face à cette soif, ne trompons pas notre cœur en essayant de l’apaiser avec des substituts inefficaces!»
Le Pape d’inviter chacun à plutôt écouter cette soif spirituelle et «à en faire un tabouret sur lequel nous pouvons monter pour nous pencher, comme des enfants, sur la pointe des pieds, à la fenêtre de la rencontre avec Dieu». «Et il est beau, même à vingt ans, de Lui ouvrir grandement notre cœur, de le laisser y entrer, pour ensuite nous aventurer avec Lui vers les espaces éternels de l’infini», a noté le Pape, citant, en italien, son maitre spirituel d’Hippone, puis son prédécesseur François, en espagnol
Les grandes questions de l’existence
Saint Augustin, parlant de sa recherche intense de Dieu, se demandait: «Quel est donc l’objet de notre espérance […] ? Est-ce la terre? Non. Est-ce quelque chose qui vient de la terre, comme l’or, l’argent, l’arbre, la moisson, l’eau […]? Ces choses plaisent, elles sont belles, elles sont bonnes» (Sermon 313/F, 3).Et concluait:«Cherche celui qui les a faites, c’est Lui ton espérance» (ibid.).
Des paroles rappelant donc les conseils du Pape François lancés aux JMJ 2023 de Lisbonne: «Chacun est appelé à se confronter à de grandes questions qui n’ont pas […] une réponse simpliste ou immédiate, mais qui invitent à accomplir un voyage, à se dépasser, à aller plus loin […], à un décollage sans lequel il n’y a pas de vol. Ne nous alarmons pas alors si nous nous trouvons assoiffés de l’intérieur, inquiets, inachevés, avides de sens et d’avenir […]. Ne soyons pas malades, soyons vivants!»
Et Léon XIV d’interpeller philosophiquement les cœurs cette fois-ci en langue anglaise: «Qu’est-ce vraiment que le bonheur? Quel est le véritable goût de la vie? Qu’est-ce qui nous libère des marécages de l’absurdité, de l’ennui, de la médiocrité?» La réponse réside dans l’expérience jubilaire, par la rencontre, la prière, l’amitié de ces journées romaines écoulées: «La plénitude de notre existence ne dépend pas de ce que nous accumulons ni, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile, de ce que nous possédons. Elle est plutôt liée à ce que nous savons accueillir et partager avec joie».
Acheter et consommer ne suffit pas
«Acheter, accumuler, consommer ne suffit pas. Nous avons besoin de lever les yeux, de regarder vers le haut, vers «les réalités d’en haut», a lancé l’évêque de Rome, contemplant l’océan multicolore de jeunes aux pieds des collines romaines. «Très chers jeunes, notre espérance, c’est Jésus», a affirmé le Pape, s’arrêtant en silence. Un silence au gout d’éternité dans lequel s’est engouffré le souvenir d’il y a vingt-cinq ans lorsque le Pape polonais de 80 ans faisait face à deux millions de jeunes sur cette même plaine historique. Un souvenir convoqué par Léon XIV. «C’est le Christ qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand, […] pour vous rendre meilleurs, pour améliorer la société, en la rendant plus humaine et plus fraternelle», affirmait Jean-Paul II, le 19 août 2000.
Prier, adorer, communier et se confesser
Un quart de siècle plus tard, le Souverain pontife des deux Amériques demande à la nouvelle génération du IIIe millénaire de rester unie au Christ: «Restons dans son amitié, toujours, en la cultivant par la prière, l’adoration, la communion eucharistique, la confession fréquente, la charité généreuse, comme nous l’ont enseigné les bienheureux Piergiorgio Frassati et Carlo Acutis, qui seront bientôt proclamés saints. Aspirez à de grandes choses, à la sainteté, où que vous soyez. Ne vous contentez pas de moins. Vous verrez alors grandir chaque jour, en vous et autour de vous, la lumière de l’Évangile», a-t-il conclu, entrainant quelques applaudissements suivis d’un nouveau silence figeant la plaine dans la prière.
Miroir de l’universalité de cette semaine jubilaire, la prière universelle a été lue en français pour la fidélité à Dieu, en polonais pour la paix, en portugais pour les jeunes, en coréen pour les enseignants, en allemand pour la sagesse des cœurs. Après la consécration, le ballet de 7 000 prêtres s’est enclenché pour apporter la communion aux quatre coins des 96 hectares de plaine dans chacun des «petits villages internationaux» sur les notes du morceau “Jesus is my life” (Jésus est ma vie) chanté par le chœur du diocèse romain. L’union mystique intense avec le Christ fut ensuite totale avec l’exécution d’Anima Christi. Les remerciements de Léon XIV à chacun des jeunes, individuellement, avec une pensée pour les deux pèlerines, espagnole et égyptienne, tragiquement décédées à Rome cette semaine ont conclu la célébration. A son terme, le Pape a donné rendez-vous aux jeunes du monde entier dans deux ans à Séoul pour les JMJ, prolongeant le pèlerinage spirituel de Tor Vergata jusqu’aux confins de la terre. La messe s’est achevée avec l’un des inmanquables hymnes des JMJ: Jesus Christ you are my life faisant joyeusement danser l’assemblée.